Aller au contenu

Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est en plein jour l’oasis du silence, devient dans l’obscurité un rendez-vous de bêtes, s’épiant les unes les autres, accourues de loin pour boire à ce ruisseau unique…



Nous sortons par le fond du décor, par de difficiles passages qui contournent la montagne rouge à profil de pagode hindoue. Et, pendant une heure ou deux, c’est le chaos que nous traversons, mais le chaos après quelque cataclysme d’hier : éboulements encore inachevés, montagnes encore croulantes, vallées qui viennent à peine de s’ouvrir. Des amas de pierres, en porte-à-faux au-dessus de nos têtes, menacent de débâcles nouvelles et prochaines ; tout ce qui est resté en l’air paraît encore si instable, arrêté en plein bouleversement par de si petites et fortuites causes, qu’il semble que, déranger un caillou infime, suffirait à amener le recommencement des chutes et des chutes, s’entraînant les unes les autres, effroyablement. Et c’est étrange de voir, dans de telles immobilités, dans de tels silences, ces choses qui tout récemment ont dû faire trembler le désert et l’emplir d’un bruit de tempête.

Du reste, nous avons déjà rencontré d’autres ré-