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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/116

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gions en travail de mort, comme celle d’aujourd’hui. C’est ainsi que s’effrite et se détruit peu à peu toute cette Arabie, qui n’a ni terre ni plantes, qui n’est qu’ossements de plus en plus desséchés. De temps à autre, ses montagnes s’effondrent ; puis, les siècles les pulvérisent, en font lentement du sable, qui redescend vers la mer Rouge, entraîné par les vents et les pluies des hivers.

Nous nous décidons à marcher à pied, au milieu de ces cassons de montagne aux arêtes coupantes, et à faire passer nos bêtes en avant de nous. On sait qu’il peut suffire d’une vibration sonore, d’un chant de voix humaine, pour amener le départ d’une avalanche hésitante ; de même, ici, notre marche à la file et le balancement de nos chameaux pourraient réveiller la tourmente des pierres…



En sortant de cette région inapaisée, on se laisse volontiers reprendre par le désert habituel, aux sérénités monotones.

Quand il change de teinte, le grand désert, c’est presque toujours tout d’une pièce ; les montagnes, le sol, les plantes changeant à la fois et passant ensemble à l’uniforme couleur nouvelle.