Aller au contenu

Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyant venir ; elles portent sur leur dos les vieillards, toutes les barbes blanches et les chevelures blanches, tous les visages éteints de la tribu.

Puis les femmes apparaissent, qui marchent légères et sans bruit, mystérieuses sous de noires draperies de fantômes ; en nous croisant, elles lèvent leurs yeux brillants sur nous, elles nous jettent, par-dessous les plis à peine relevés de leurs voiles, comme un éclair noir… Parmi elles, il y a, sur des ânons, les enfants qu’on allaite encore — dans des paniers, avec des petits chiens naissants.

Et enfin, les enfants plus âgés ferment la marche, des petits, des petites, adorables de finesse et de regard, chassant devant eux, avec l’aide des chiens bergers, la multitude bêlante, effarée, des chèvres et des chevreaux.

Noirs, les vêtements dont les femmes sont enveloppées ; noirs, les manteaux des hommes ; noires comme de l’ébène vernie, toutes les chèvres aux longues oreilles traînantes. Dans la fraîcheur du matin, dans le demi-jour de ces gorges profondes, c’est, sur fond rose et dans une buée rose, un long cortège de figurants noirs, — les grandes bêtes passant d’une allure dandinante, les hommes d’une allure majestueuse et souple, les troupeaux marchant par à-coups, avec des arrêts entêtés qui les groupent tous en une