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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/126

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encombrante masse de laine… Tant que ce défilé dure, l’habituel silence est remplacé par des bruits de pas assourdis dans du sable et de voix atténuées sous des voiles. Et les chameaux y mêlent de temps à autre des sons caverneux, tirés du fond du gosier, qui imitent, au milieu de ces parois vibrantes, le grondement d’un petit tonnerre.



La tribu passée, disparue, voici de l’eau, un vrai ruisseau qui coule et serpente sur le sable. Il est vrai, c’est une eau chargée de naphte, étoilée à sa surface de taches huileuses ; mais elle donne la vie tout de même, — et il y a de l’herbe sur ses bords, des tamarins, de hauts palmiers, comme ceux de l’Oued-el-Aïn, si verts qu’ils en sont bleus ; — tout cela, caché très profondément dans les replis des granits roses. Un décor d’Éden, qui dure une demi-heure, avec, pour musique, le chant d’une peuplade de petits oiseaux.

Mais, à un autre tournant des couloirs de pierre, le ruisseau disparaît, et avec lui la verdure enchantée. Nous retombons dans la désolation sèche, silencieuse et morte. Et le soleil, plus haut, commence d’appa-