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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/188

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d’attitude et de colère, dans l’ampleur de leurs vêtements qui flottent. Tous trois hurlent à la fois et marchent au pas de charge, semblables à un groupe de furies, fendant vite ce vent de fournaise qui fait voler leurs burnous et leurs voiles. Derrière eux, d’autres personnages courent, peu rassurants aussi dans leur exaltation menaçante… Qu’est-ce qu’il y a encore et que me veulent-ils ?…

Mais non, ce n’est pas contre moi cette irritation nouvelle ; heureusement, nous sommes hors de cause.

Dès que je parais, au contraire, tous s’arrêtent et la figure du grand détrousseur s’apaise :

— Ah ! dit-il, je voulais t’annoncer que je te donne mon fils Hassan, mon fils Hassan que voici (il écarte les vieillards et fait avancer par la main le jeune cheik), pour t’accompagner en Palestine. Écoute, tu t’es fait recommander à moi en venant ici ; eh bien, moi, à mon tour, je te recommande mon fils Hassan.

Alors, je prends Hassan par les épaules, et, suivant l’usage du désert, j’appuie son front contre le mien. Mohammed aussitôt me rend l’embrassement que j’ai donné à son fils — et c’est un pacte d’amitié à jamais scellé entre nous, au murmure approbateur de la foule.