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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/200

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quant le passage des croyants venus de l’Égypte et du Maghreb ; le second, que nous allons suivre, la route des pèlerins de Palestine et de Syrie.

Ce carrefour effroyable du désert, qui voit passer chaque année des foules de vingt mille ou trente mille hommes, en marche vers la sainte Mecque, est vide aujourd’hui, vide à l’infini, et sa tristesse de grandeur et de néant est comme glacée, sous le ciel qui achève de s’assombrir. Halte habituelle des multitudes, il est jonché de tombes, sortes de petits menhirs, pierres brutes, debout deux à deux, — l’une à la tête, l’autre aux pieds, — places où se sont couchés pour l’éternité de pieux pèlerins qui passaient.



Les dromadaires, excités ici par l’espace, dressent la tête, flairent le vent, changent leur allure languissante en quelque chose qui devient presque une course.

Il est d’un gris de vase, cet espace qui les appelle ; il est uni comme si on y avait tramé des rouleaux géants pour l’aplanir ; à perte de vue, il est pareil, et il est obscur, sous un ciel plus obscur que lui. Il a presque des luisants de chose humide