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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/201

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et cependant sa surface immense est toute de boue sèche, fendillée, à mille craquelures de porcelaine.

Le long des sentes, nos chameliers se baissent pour ramasser de très petites pierres couleur de turquoise qui, presque à chaque pas, apparaissent éclatantes sur les grisailles du sol : simplement, ce sont des morceaux de ces perles dont il est d’usage d’orner la tête des dromadaires. De toute antiquité, ces mêmes directions ont été suivies par les caravanes, et la mode de ces parures doit remonter à trois ou quatre mille ans ; tel débris de verroterie que nous ramassons là, et qui a pris un air de fossile à force d’être roulé, peut aussi bien remonter au passage de Salomon ou de Moïse. Et c’est singulier, ces petites choses bleues presque éternelles, tombées une à une, à des années d’intervalle peut-être et, à la longue, jalonnant comme les mies de pain du petit Poucet, des routes infinies.



En s’avançant dans ce nouveau désert, on y garde conscience de l’altitude, à cause des montagnes qu’on a laissées derrière soi et dont les crêtes seules dépassent le cercle d’horizon pour y ajouter d’insi-