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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/204

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ment traverse-t-on la mer ? On ne marche pas sur la mer.

Bédouin de Pétra, il n’a jamais entrevu que la mer d’Akabah, qui est sans navires. J’essaye de lui expliquer : des planches qui flottent.

— Mais comment avancent-elles, tes planches ?

D’ailleurs, son esprit incrédule ne s’intéresse plus, et le silence encore retombe.

Autour de nos groupes, qui se suivent échelonnés dans le vide, et comme perdus, rien ne se passe, rien ne change et il n’y a plus rien ; les heures s’écoulent sans être comptées ; simplement, nous nous déplaçons dans de l’étendue.

Une fois, il y a une vipère, qui se traîne sur le sol lisse, traversant notre route ; alors les chameliers la tuent en poussant des cris, et c’est une furtive minute de bruit très surprenante, mais tout de suite finie, noyée, oubliée dans le grand calme de notre progression silencieuse et égale.

On est comme emporté sur des barques hautes, doucement oscillantes, qui franchiraient de compagnie une mer aux teintes sombres, sans rivages visibles.