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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/209

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deur ; en elle peut-être s’ébauche quelque rudimentaire tristesse, quelque contemplation qui ne se définit pas…

Puis la nuit vient. On ne distingue plus que le vaste cercle noir de l’étendue, au milieu duquel nos feux de veille s’allument en flambées soudaines, avec un crépitement d’incendie.



Pendant que nous soupions sous la tente, les nuages se sont évaporés, fondus dans le ciel, avec la rapidité particulière à ces pays où la pluie ne peut pas tomber.

Et la demi-lune du ramadan verse une lumière resplendissante, et pourtant étrangement mystérieuse, sur le désert ; au milieu d’un ciel bleu foncé où courent de rares flocons blancs, elle est tout en haut, au zénith, faisant nos ombres presque nulles par terre, nous dessinant, aux yeux les uns des autres, avec des blancheurs et des rigidités de spectres.

À cette heure exquise, où l’on cause et rêve, assis devant les demeures de toiles légères, un groupe, que vraisemblablement nous réunirons ainsi chaque soir, se forme à la porte de ma tente, autour du café