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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/223

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sant un blockhaus au moyen de trois cantines. Dans le fond, je crois que nous en mourons d’envie, d’être attaqués ; le simulacre de la précédente nuit, les cris de guerre avec la fusillade, au milieu de l’immensité vide, ayant été une chose inoubliable et rare.

Puis vient la veillée paisible devant les tentes, l’heure où les cheiks Hassan, Aït et Brahim, gravement, s’asseyent en cercle avec nous, pour causer et pour fumer avant le sommeil, à la belle lune blanche. Ce sont des aventures de leurs razzias et de leurs pillages qu’ils nous content le plus tranquillement du monde — et que, d’ailleurs, nous écoutons de même, tant les latitudes changent les points de vue humains… Mais tout à coup, de la direction de cette mare où la chouette a été tuée, nous arrive un petit : « Hou ! hou ! » discret, un appel si doux et si plaintif…

— Ah ! bon, dit Léo, manquait plus que ça ; voilà l’autre qui l’appelle, à présent !

L’autre, on comprend ce que nous entendons, par l’autre ; l’autre, c’est son épouse ou c’est son époux. Ils vont toujours deux par deux, les oiseaux. Couple probablement unique à bien des lieues à la ronde, ils avaient sans doute choisi pour se réunir, le soir, ces maigres broussailles au bord de l’eau.