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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/230

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Les parois de ce vaste gouffre ont des plis et des cassures d’étoffe tendue sur des pieux ; elles ont aussi les mêmes nuances, exactement, et les mêmes dessins rayés que les tissus en poil de chameau qui se font au désert ; de sorte qu’on dirait, autour de nous, des campements de Bédouins géants, des tentes monstrueuses, superposées à deux ou trois étages.

Quand le soleil se couche, toutes ces montagnes aux plissures d’étoffe prennent de sinistres couleurs, jaune verdâtre avec rayures de brun ardent, le tout d’une netteté violente, découpé à l’emporte-pièce sur un triste ciel lie de vin qui semble un énorme rubis vu par transparence. Puis, la lune du ramadan surgit, dans ce rose violacé et froid, la grande pleine lune, qui d’abord a l’air d’un disque en étain à peine distant de la terre. Et l’ensemble devient déroutant et effroyable : on croirait maintenant voir, dans le recul des âges cosmiques, le lever d’un satellite mort sur une planète morte.



La nuit tombe. Un grand fulgore, d’une envergure de chauve-souris, vient bourdonner autour