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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/231

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des tentes, promenant très vite son petit fanal de phosphore vert, semblable à un feu follet.

Et le large disque d’étain suspendu en l’air devient de l’argent poli, puis du feu blanc, du feu bleuâtre, qui éclaire de plus en plus, donnant à la caravane immobilisée des rigidités de statue, fixant et pétrifiant les personnages dans leurs attitudes de repos, tandis que, du côté du couchant, longtemps après la nuit venue, un reste de la lumière du jour persiste encore comme un halo rose. Elle éclaire, elle éclaire, cette lune, autant qu’un autre soleil, — un soleil un peu fantôme, il est vrai, qui jetterait du froid en même temps que de la lumière, qui répandrait des calmes mortels avec ses rayons ; mais sa splendeur pâle écrase nos feux qui ne brillent même plus, et quand les cheiks, drapés de leurs voiles archaïques, arrivent avec lenteur devant ma tente pour la causerie des soirs, on croirait voir des prophètes de marbre s’avancer dans un éblouissement de magie.