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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/111

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tragique, et se tenant écartée de mon visage, pour témoigner qu’elle n’était pas digne d’un baiser, elle cessa pour un temps d’imaginer tout ce que je ne lui demandais pas ou de me laisser entendre ce qu’elle pourrait faire et (j’ai déjà dit quel instinct logique ont les esprits simples) elle reprit son élan sur la réalité.

« Tu m’encules, dit-elle. Tu m’encules pour mon plaisir, mais c’est mon métier. Une fille qui gagne sa vie avec son trou du cul, voilà ce que je suis. Qu’est-ce que c’est qu’une salope, si ce n’est pas moi ? J’ai vingt ans, je viens chez toi sans te connaître, je me mets à poil, je me branle, j’ouvre mes fesses et je te dis : « Encule-moi ! » Et tu m’encules trois fois comme une putain que je suis ! Et plus tu m’encules, plus je t’aime ! »

Sur ce mot, elle retomba contre moi, la bouche à mon épaule, et prit un accent plaintif.

« Je t’en supplie… Tu vois, je ne me touche pas et je vais jouir. Mais, pendant que tu bandes dans mon cul, dis-moi… ce que tu feras tout à l’heure… dans ma bouche… je t’en supplie ! dis-le moi quand je déchargerai… Dis-moi : « Salope ! je te… je te… » Et je te répondrai : « Oui ! oh ! oui ! »

Puis, comme si cette idée même ne suffisait plus à son exaltation, elle s’écria presque en pleurant :

« Non, je t’aime [trop] maintenant… Ce ne sera pas assez… Tu me le feras d’abord ! tu me le feras cette nuit ! Pour oublier les autres, je veux que tu me le fasses. Mais ensuite… demain… tu me montreras que je suis la dernière des putains.