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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/175

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Ce mot valait une récompense ; nous en eûmes l’idée tous deux à la fois ; mais Ricette parla la première et j’étais à cent lieues d’imaginer ce qu’elle allait me demander.

Toujours les bras à mon cou, elle me dit mollement :

« J’ai envie de quelque chose. Dis oui.

— Je dis oui. Qu’est-ce que c’est ?

— Tu vas être bien attrapé. Je sais que tu n’aimes pas ça ; mais tu as dit oui d’avance. Et j’en ai envie.

— Envie de quoi ? »

Elle prit un temps comme une jeune actrice ; puis elle me dit à l’oreille tout haut malgré elle avec un rire qui faisait trembler ses mots :

« J’ai envie de me branler.

— Petite horreur ! et tu crois que je vais te laisser faire ? Demande-moi n’importe quoi, mais…

— Rien du tout. Plus tard. Tu m’as répondu oui d’avance, et puis tu le sais bien que j’en ai l’habitude. Je te l’ai dit avant-hier.

— Alors, tu es comme Charlotte ? Quand tu as envie de te branler, tu te branles ? Même devant un homme ?

— Surtout.

— Et on ne peut rien t’offrir à la place ?

— Tout à l’heure, supplia-t-elle. Ça n’empêche rien. »

Vraiment, c’était le vice de la famille ; mais je ne pouvais m’y accoutumer et je ressentais une sorte de jalousie à voir cette petite qui prenait son plaisir elle-même. Elle se touchait à peine, avec lenteur et sans secousses du doigt. Au