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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/178

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Je voulais la faire parler et je lui dis un mot dont j’ai honte comme d’un crime. Il n’est pas de plus jolis vers latins que ceux où Tibulle sourit aux mensonges amoureux. Et je ne puis sourire à ceux que j’ai faits. Ceci est une confession. Je dis tout ; mais j’aurais plus de plaisir à inventer un conte où je me donnerais (et si facilement !) un rôle toujours sympathique.

Concevez l’âge de Mauricette, sa précocité, son ardeur… Imaginez par-dessus tout le sentiment illimité qu’elle devait avoir de son sacrifice ! et combien… Mais pourquoi vous le dire ? Vous ne m’avez déjà que trop condamné ! J’aimais bien Mauricette : je ne l’aimais pas comme on aime ; et, pour la faire parler, sans autre motif, je lui dis sur les lèvres :

« Je t’adore.

— Je t’adore aussi », murmura-t-elle, sans savoir qu’elle répétait presque la réponse de Mélisande.

Et, comme il était aisé de le prévoir, elle parla ; mais tout de suite, sans transition. Mauricette avait des crescendos brusques semblables à ceux de Teresa :

« Tu ne m’as pas crue ? Eh bien ! tu le verras ! Tu me déchireras les fesses à coups de fouet et tu m’enculeras dans mon sang !

— Moi, je te ferai cela !

— Oui, tu me le feras si tu m’aimes. Je viens de faire pour toi ce que je n’avais jamais fait pour personne. J’ai avalé ton foutre… Tu n’as jamais fouetté une gosse ? Tant mieux ! Tu as horreur de ça ? Tant mieux ! Moi aussi, je t’apprendrai quelque chose ! »