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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/192

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cordent sur ce point : quand un jeune homme se laisse donner par une mère le pucelage d’une fille qu’elle espérait vendre, il doit une assez belle bague à la jeune personne, un présent de la même importance à la mère et une action de grâces à Dieu.

Si la jeune fille a deux sœurs, c’est plus amusant, et plus cher encore. Une bonne fortune ainsi triplée ruine en six semaines un étudiant.

Mais autant les jeunes gens grugés gardent l’amertume d’avoir été dupés, autant les autres ont de plaisir à se dépouiller librement pour ces courtisanes sans calculs qui donnent tout, risquent tout, semblent ne rien attendre et nous devoir chaque jour quelque tendresse de plus. Ah ! qu’elles ont parfois de délicatesse à recevoir ce qu’elles n’ont pas espéré, à multiplier leur reconnaissance comme pour repousser la nôtre et à ne modérer que leur surprise en présence de nos cadeaux, par une sensibilité suprême de leur tact.

Le rendez-vous était pris, non plus chez moi, mais chez Teresa dont l’installation venait d’être terminée. Je traversai le palier à dix heures du soir.

La mère et les filles me reçurent toutes nues, ce qui me donna moins d’étonnement que d’embarras.

Connaissez-vous une situation plus digne de pitié que celle d’un jeune homme chambré par quatre femmes auxquelles il a dit « Je t’aime » et qu’il ne peut aborder avec une respectueuse et lointaine déférence par cette raison que leur nudité l’invite à quelques approches ?