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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/252

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putain, c’est que vous êtes assez tourte pour que je vous encule. »

Et alors…

Alors que se passa-t-il ? Le plus triste incident de cette aventure.

Charlotte avait-elle trop présumé de son goût maladif pour l’humiliation ? Lili, comme tous les enfants, manquait de mesure dans la farce ; avait-elle abusé du rôle qu’elle achevait d’improviser ?

Non. L’explication que j’entrevois est la plus difficile à donner parce que j’écris ce livre à la première personne. Mais, devant l’amour de Charlotte… « il n’y a pas de quoi se vanter », comme disait Lili. Ce n’est certes pas cette histoire que je choisirais entre mes souvenirs si je voulais vous faire imaginer l’éblouissement de mes séductions et vous ne serez pas émue à l’excès, mademoiselle, si je vous dis que cette nuit-là, où je ne quittai guère Mauricette, Charlotte, plus nerveuse d’heure en heure, me parut aussi plus infortunée.

Car ce fut Mauricette qui déchaîna la crise. Elle rit. Je ne sais pas pourquoi. Le dernier couplet de Lili était ce qu’elle avait dit de moins drôle depuis une heure ; mais il était fort injurieux. Mauricette éclata de rire. Immédiatement, Charlotte éclata en sanglots.

Et quels sanglots ! Je croyais les connaître, les sanglots de Charlotte ! Je fus épouvanté de ce que j’entendis.

Elle se coucha sur le sol, comme une pauvre bête qui meurt, tira sa jupe d’une main errante