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Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/130

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jalousie de chasseurs provoquée par un malheureux renard, un vulgaire goupil, un vieux charbonnier à museau chafouin, à queue pelée et par-dessus le marché, maigre comme un cent de clous.

Un matin de mars, ce fut parmi la marmaille de Longeverne une émotion profonde lorsqu’on vit le grand Bati revenir de la forêt en rapportant sur ses épaules un renard qu’il avait muselé avec son mouchoir de poche. Il avait pris la bête au piège : depuis huit jours il la guettait.

Tout le village, par les moutards, fut bientôt informé de la chose, s’émut à son tour, et chaque maison délégua un ou plusieurs de ses habitants chez le trappeur pour être bien renseignée et fixée sur ce notoire événement.

Le grand Bati avait attaché son renard au pied du buffet de la cuisine et les visiteurs défilèrent devant le prisonnier.

Ils trouvèrent généralement que messire Goupil « faisait une sale gueule » et ça leur paraissait drôle, car ils ne songeaient point à se demander la « gueule » qu’ils auraient faite eux-mêmes dans des circonstances analogues.

Ils questionnèrent le grand Bati :

— Qu’est-ce que tu veux faire ?

— J’vas le tuer pour avoir la peau qui est encore bonne, déclarait le traqueur.

— Sans compter les quarante sous de prime ! C’est une femelle ? interrogeait le voisin.