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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/100

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LE MAL DES ARDENTS

Ce fut le violon de Vassal qui m’éveilla. Après que chacun avait eu regagné sa cabine, il était venu rechercher son instrument. Se croyant seul, il l’avait repris, et, de toute son âme, pour lui-même, jouait le plus beau chant… Ah ! sur cet admirable visage frémissant de Narcisse léonin, ces yeux lumineux, ces narines palpitantes, la divine transfiguration de la musique donnait un sens idéalisé à la passion, au désir, à la colère et aux regrets qu’elle évoquait… Quand il eut terminé, je ne pus m’empêcher de gémir, il m’aperçut :

— Je vous en prie, lui dis-je en m’excusant, n’attribuez pas à l’indiscrétion ce qui est le fait d’un hasard. Votre violon m’a tiré du sommeil et je n’ai pas osé vous interrompre. L’aurais-je voulu que ce n’était plus en mon pouvoir…

Il faut avoir vu le sourire de cet homme pour en pressentir la bonté et qu’il vit dans un autre monde que nous-mêmes.

— Il fallait pourtant m’arrêter, me dit-il doucement.

Il me regarda.

— … Car enfin, ajouta-t-il, c’est un monologue à voix haute que vous avez surpris.

— Il était si beau que je ne pouvais l’interrompre. Et il disait tant de choses que je ne sais exprimer mais que mon cœur reconnaît.

— Si votre cœur, reprit-il, a reconnu des paroles…

Je ne le laissai pas achever :