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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/128

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LE MAL DES ARDENTS

sons-les faire connaissance », pensa-t-il et, quand il eut remis les bordereaux à la jeune fille, il chargea Olivier de la raccompagner.

Les jeunes gens retournèrent en suivant les quais vers la demeure d’Isabelle. Un soleil sanglant disparaissait derrière la Tour Eiffel. Ils s’accoudèrent au parapet. L’éternité de ce mystère où tant d’artistes se sont consumés les faisaient participer d’elle une minute. Une minute, hélas ! seulement ! Mais de quelle saveur !… Quelques couples glissaient aux bords mêmes de la Seine. Le plus beau des fleuves se faisait mauve le long des îles et des jardins. Notre-Dame offrait à la lumière mourante la flèche d’un triste clocher tandis que déjà l’ombre noyait les fresques du portail. Les rues étaient violettes.

— Quelle douceur, dit Isabelle.

La paix descendait du ciel et montait des eaux. L’esprit des jeunes gens flottait ; leur cœur s’ouvrait à tous les souffles,

— Mon Dieu que cette heure est belle, dit encore Isabelle.

— Ah ! oui, répondit Olivier, ah ! oui, et sans que nous sachions dire pourquoi.

— Holà ! s’écria Isabelle en riant, quelle mysticité ! Il y a tout de même longtemps que nous savons analyser des émotions si simples. Il suffit d’avoir lu Taine ; l’avez-vous oublié ?

— Je ne l’ai pas lu, dit Olivier.