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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/129

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LA FIN DE RABEVEL

Il ajouta humblement :

— Je le lirai.

Puis, après quelques secondes de réflexion :

— Ma jouissance en sera-t-elle accrue ?

— Comment le saurais-je ? répondit la jeune fille, riant de plus belle ; il faudrait que je connusse exactement ce qu’est votre plaisir.

— Il est bien difficile à définir…

Il essayait cependant d’exprimer ce qu’il ressentait. Tandis qu’il parlait avec une emphase discrète, son discours le révélait à Isabelle qui l’écoutait soudain remplie d’une sorte de respect et de saisissement ; car le tremblement qui y régnait lui était inaccessible et lui parut participer du divin.

— Que vous êtes heureux ! ne put-elle s’empêcher de dire.

— Ah ! oui, et presque constamment, car lorsque je n’ai pas le bonheur que je souhaite, je suis dans une attente passionnée, une mélancolie qui est déjà du bonheur. Je ne sens vraiment la plénitude de ma joie que dans la méditation ou l’action. C’est la possession complète de moi-même qui fait la lumière et la chaleur de mon existence et aussi son unité. Au contact de l’homme et de la matière je m’enrichis journellement. Et cet enrichissement est la source de mes émotions.

— N’est-ce pas artificiel, tout cela ?

— Je ne sais pas, je ne cherche rien, voici le fleuve, les