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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/139

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LA FIN DE RABEVEL

Ah ! qu’il était donc difficile de susciter dans ce vieux monde le levain grondant d’une passion, d’un sentiment unique, de quelque chose enfin par quoi on se sentît vivre, vivre ! vivre…

Il songeait tout à coup aux Vassal revus au hasard des retours du violoniste ; il les sentait de la même race ceux-là : lui plus noble, elle démoniaque. Confusément il désirait les retrouver sans les chercher. Son esprit se complaisait à des imaginations surprenantes comme des rêves où ce couple devenait soudain compagnon et complice des entreprises les plus étranges.

Et le singulier c’était que justement ses deux amis, Isabelle et Marc, les humains les plus proches de son cœur et qui lui témoignaient l’affection la plus sûre, la mieux éclairée, fussent ceux-là mêmes qui différaient le plus de lui. Ce Marc si terriblement organisé, si prêt à tout, si admirablement réglé et déterminé, pour qui l’imprévu n’existait pas et dont la jouissance, à l’opposé d’Olivier, était précisément l’élimination de l’inconnaissable, de l’imprécis, de l’apparence, de l’aventure telle qu’Olivier la concevait ! Et cette Isabelle… Il ne pouvait y songer sans étonnement : il la trouvait infiniment belle et il oubliait qu’elle l’était en s’asseyant auprès d’elle ; elle lui ôtait à la fois le goût de l’aventure et tout désir ; elle le rendait parfaitement heureux mais d’un bonheur qui, après le départ de la jeune fille, lui paraissait trop simple et indigne de lui.