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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/142

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LE MAL DES ARDENTS

ne se consolerait pas de son départ. Vous seule pouvez, je le devine maintenant, nous le conserver. Il suffit que vous arriviez à être aimée de lui comme il est aimé de vous. Ne protestez pas, je parle en vieux papa. Et je vous jure que je me chargerai du mariage et de la dot. Il faut nous conserver Olivier. Voulez-vous ?

— Il n’aimera jamais personne d’un véritable amour, répondit-elle, pensive. Je le crains bien, allez. Peut-être quelque bacchante et encore, est-ce sûr ? moi, il m’aime je crois, autant qu’il puisse aimer. Au fond, il n’aime que la sensation, l’émotion. Je serais bien étonnée qu’il changeât un jour.

— Tel qu’il est, l’aimez-vous ? Oui. Eh bien ! il faut le conquérir, il faut le garder. Nous voici à Pâques. Nous allons passer quelques jours à la campagne. Je vous invite en même temps qu’Olivier, voulez-vous ?

Elle accepta, tremblante d’espérance et de crainte ; elle se promettait d’user de toute son intelligence, de ruse même puisque le cœur ne suffisait pas. Bernard la considérait toute méditative. Lui-même s’inquiétait de la place que le jeune homme prenait dans son cœur. « Serait-il mon démon de midi ? » se dit-il en se moquant de soi-même.

Quelques jours après, la ravissante Isabelle, portant un livre et une brassée de fleurs, surgissait au milieu du hall de la maison de campagne de Rabevel dans la gloire de ses cheveux flottants :

— Quel affreux vent ! me voici toute décoiffée. Vous