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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/164

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LE MAL DES ARDENTS

pensa à la face morale de l’acte, à Rabevel, son grand ami, dont il aurait trahi la confiance…

Il tira sa montre : minuit et demi. Il se trouva soudain ridicule, ainsi immobile dans ce couloir. Il haussa les épaules. Tromper Rabevel avec cette petite saleté… Il alla au vestiaire et prit son pardessus ; il mit ses gants lentement se dirigeant vers la porte de sortie, marmonnant toujours : tromper Rabevel, tromper Rabevel… Et il n’eut conscience de l’égarement de ses pensées que lorsque, levant les yeux, il aperçut devant lui, en costume de voyage, pâle et défait, Vassal.

Le violoniste le regarda un instant ; eut-il l’impression qu’il se passait en Olivier quelque chose d’extraordinaire, ou, lui-même, cherchant à mettre un nom sur le visage du jeune homme, s’absorbait-il trop à cet effort pour remarquer l’altération de ces traits ? Il ne fit rien paraître des sentiments qui l’agitaient, pendant quelques secondes. Puis sa figure s’éclaira, et, tendant la main à Olivier :

— J’hésitais à vous reconnaître, mon cher Olivier, le fils de mon compagnon du Pacifique !… Comment allez-vous ?

— Et vous, maître, qui revenez alors qu’on ne vous espérait pas !

— Surprise involontaire. Le vapeur anglais que j’ai pris à Rio-de-Janeiro fait habituellement escale à Lisbonne ce que j’ignorais ; ainsi, au lieu de débarquer à Liverpool et de revenir par Douvres et Calais, j’ai fait tente heures de sleeping et gagné trois jours.