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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/167

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LA FIN DE RABEVEL

Balbine avait si peu présente à la pensée une fille depuis tant d’années éloignée, qu’elle resta muette de saisissement.

— Maman, dit la jeune fille, d’une voix que la honte étouffait, ne vous étonnez pas que je ne rentre ni ce soir, ni jamais ; je vais à Passy demander à mon grand-père Vessal de me donner l’hospitalité désormais.

Balbine était exangue. Elle supplia sa fille de lui demeurer, prenant Marc et Olivier à témoins de l’ingratitude des enfants, apparaissant encore mère aimante et désolée dans son abjection.

— Laissez-moi, dit Nicole. Vous m’aimez peut-être, mais vous me déshonorez. Invoquant une imaginaire maladie, vous m’avez éloignée, envoyée en Espagne dès que mon âge put faire soupçonner le vôtre. Je n’ai pour ainsi dire pas connu mon père : j’avais sacrifié mon bonheur a vous deux. À mon retour vous m’avez dit sur lui toutes les vilenies… Je n’ai pas à vous juger, mais vous faites de moi une malheureuse, adieu.

Puis s’adressant à Marc :

— Voulez-vous m’accompagner pour la dernière fois ? Ils sortirent ; Marc qui s’était penché sur ce cœur replié sans qu’on parût s’en alarmer, cachait difficilement un trouble qui n’échappait pas à celle qui l’avait suscité. La jeune fille cherchait à se reconnaître tristement et retrouvait à peine dans le chaos de ses idées la tendre émotion de l’heure précédente… Elle se taisait dans la voiture qui les emportait.