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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/172

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LE MAL DES ARDENTS

Marc en parlait, quelques instants après, avec son père, devant Isabelle accourue et dont le beau visage se parait de larmes silencieuses. Mieux que toute parole ou toute analyse, les réactions différentes de ces trois êtres si pareils en apparence dans leurs aspirations témoignaient en présence de la mort qui les surprenait, de leur dissemblance intime.

— Comment, s’écriait Noë, tu n’es pas bouleversé par ce dénouement tragique !

Ses soixante ans ne pouvaient sentir, sans une terreur instinctive qu’il n’osait s’avouer, l’approche de la mort.

— Voilà, ajoutait-il, une créature qui avait tout pour plaire et être heureuse et qui disparaît subitement en pleine beauté, en pleine jeunesse, par un horrible retour de ce romantisme dont nous fûmes infectés mais dont on croyait notre race bien guérie. Cela ne te révolte pas !

— Comment m’expliquer, répondait Marc, comment m’expliquer sans vous paraître odieux ! Je n’éprouve pas devant la mort ce choc terrible dont j’ai constaté maintes fois l’expression autour de moi. Je suis écœuré de la sanglante ineptie de la génération qui nous a légué, avec ses exemples et son éducation, des mœurs et des solutions pareilles. Le théâtre de Bataille et de tant d’autres, est plein de ces saletés sanguinaires et stupides. Dans les relations que nous avons nous trouvons toujours des drames passionnels ; leur bêtise me fait vomir, leur cruauté me navre. Ceci dit, il me semble que je ferais avec beaucoup