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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/173

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LA FIN DE RABEVEL

de simplicité, pour une raison valable, l’abandon de la vie.

— Mais l’au-delà ? demanda Isabelle anxieuse.

— Je ne suis pas tourmenté par ce mystère, avoua Marc. Je souhaiterais pouvoir dire que rien de ce qui est humain ne m’est étranger mais, en vérité, la vie m’intéresse uniquement par le beau spectacle qu’elle me donne et non pas en soi ; le rôle me plaît, non pas l’acteur. En somme qu’y a-t-il de noble et de curieux dans notre destinée ? C’est le jeu combiné de nos facultés. Il est impossible, me direz-vous, sans la vie. D’accord. Mais la musique qui ébranle la nef est inexistante sans le souffleur qui anime l’orgue. Prétendrez-vous qu’il détourne une parcelle de votre attention pendant l’audition de Bach ?

— Quelle sécheresse de cœur, fit Noë.

Marc se leva, étreignit son père avec émotion, puis se rassit en soupirant.

— Je sais bien, reprit-il en hochant tristement la tête, que j’ai l’air d’un monstre. Et pourtant je suis aussi normal, aussi humainement vivant que vous-mêmes. Croyez-vous que la douleur de Bernard me laisse indifférent ? Croyez-vous que le souvenir de cette délicieuse Reine ne me cause pas du chagrin ? Mais quelque horrible que me puisse apparaître une telle fin, je ne la redoute pas pour moi-même, dût-elle se présenter tout à l’heure. Déterminée par des lois immuables, sujette à la volonté d’un Dieu ou décidée par un concours dont nous n’avons point l’idée, elle me paraît le terme irrémissible auquel nul ne se peut