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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/174

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LE MAL DES ARDENTS

arracher. Pour les autres comme pour moi, je l’accepte avec sérénité au moment où elle se présente, et sans horreur…

— Que nous sommes loin l’un de l’autre, dit Noë d’un ton mélancolique.

— Sans doute. Vous êtes homme idéaliste, pondéré, soucieux d’une justice stricte mais indulgent à toute faiblesse qui ne sape pas la société. Vous nous montrez tous les sentiments humains les plus normaux dans leur aspect le plus digne et sous la forme modérée qui peut inspirer l’émulation et les répandre. Et vous regardez avec surprise aussi bien l’étrange ardeur d’un Rabevel ou d’une Balbine ou d’Olivier que le réalisme désintéressé mais incontestable d’un fils qui ne se complaît qu’à rechercher dans la moindre chose le certain et l’universel,

Cependant Noë cédait à sa pensée intime ; il soupira :

— De mon temps, de telles choses n’auraient pas eu lieu.

Et, soudain alarmé :

— Là, voici que je radote : premier signe de vieillesse.

— Bah, fit Marc, qui nous empêche de philosopher ? Voilà des circonstances qui n’ont, par leur nature, rien de surprenant : il s’agit de quelques personnes qui se rencontrent de la manière la plus banale. Quant aux acteurs, l’état mental et psychique de la société d’aujourd’hui en réunit quotidiennement d’identiques. Un unique fait portait en soi l’avenir, en raison de sa permanence : c’est