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LA FIN DE RABEVEL

si lointaine qu’il rentra enragé de ses visites. Elle se savait maintenant à l’abri, elle avait sacrifié son bonheur pour se garder honnête ; elle n’attendait plus que le retour de son mari et de son fils pour vivre. Bernard le comprenait et s’en voulait de son impuissance. Qu’y faire ? Il sentait que la jeune femme lui échappait tout-à-fait. Il commençait à soupçonner que l’essentiel de la vie lui était refusé : son amour pour une femme, son amour pour son fils se trouvaient livrés au désespoir. Il ne lui restait qu’une goule qui le saoûlait de chair mais faisait de lui l’animal triste des proverbes. Balbine l’avait conduit partout, l’entraînait à toutes les turpitudes, trouvait chaque jour une nouvelle épice pour le ragoût des parties basses. Pourtant il finit par épuiser le cycle des scènes érotiques, des masseuses et de l’opprobre qu’offrent les rabatteurs ; toutes les formes de la bestialité et de l’impudicité lui devinrent familières, l’emplirent de nausées mais le revirent périodiquement reparaître. Il composa à prix d’or une bibliothèque d’obscénités en quelque sorte classiques ; la lecture de l’Arétin, de Sade et de Mirabeau devint l’occupation familière de ses loisirs. Il fréquenta des cercles étranges où circulaient le dessin graveleux et le poème érotique ; il eut une chambre d’amour qu’il ravagea, démeubla, transforma tous les mois et qui fut une cabine de pirate, une loge de l’enfer, une cellule monastique, un décor mouvant et renouvelé de son stupre. Il ne lui manquait plus que le sang qui avait fait le bonheur du divin marquis. Des disputes quotidiennes