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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/206

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LE MAL DES ARDENTS

devinait, à connaître un peu Balbine, les artifices amers et compliqués.

Ces lassitudes et ces hontes dont la maîtresse de l’armateur jouissait comme une goule, prenaient un caractère frénétique qui se traduisait par une inquiétude incessante à laquelle Olivier participait de plus en plus.

Il se rendait ainsi compte, qu’influencé par les théories morbides de Rabevel, il finissait par ne plus envisager les choses que sous l’aspect que confère la nostalgie ou la pensée constante de la mort. Alternativement, il se promettait de ne plus rendre visite à Balbine ou s’exaltait à l’idée de la voir.

Un jour de Décembre, il allait ainsi, en pélerin navré, sous la pluie qui tirait l’aiguille, jusqu’au château de la Champmeslé. Le ciel croulant s’unissait à la terre fumante. La buée des eaux et le brouillard des airs ouataient les formes. Il retrouvait avec une sorte de perversité, sur ces chemins jadis parcourus avec Isabelle, les souvenirs les plus cruels. Souvenirs qui enchaînaient d’un lien pénétrant le passé et le présent, qui amorçaient l’avenir, qui maintenaient la triste unité de son existence.

— Ah ! quelle jouissance, dangereuse et féconde ! Les moments abolis renaissaient. Les images défuntes reparaissaient. Comme la résurrection de ce qu’on croit mort a quelque chose de sardonique ! Notre besoin d’absolu supporte si mal les revenants. « Ô sentiments, ô idéals d’autrefois, disait Olivier, êtes-vous morts, êtes-vous