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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/94

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LE MAL DES ARDENTS

— Visite les pauvres.

— Non. Très peu pour moi. Ça alors, c’est du temps tout-à-fait perdu. Je peux mieux faire.

— Tu manques d’humilité, Bernard. C’est pourtant la première qualité à acquérir pour gagner le ciel… Mais vraiment ne te sens-tu pas, si peu que ce soit, attiré par la misère à secourir ?

— Pas le moins du monde. Je te le dis, la grâce me manque. Ces choses-là ne se font, comme tu le dis, que pour gagner le bonheur éternel. Ne me vois-tu pas brancardier à Lourdes ?

— Au moins si tu ne peux faire du bien, reste neutre, ne fais pas le mal. Tu as assez de moyens de te distraire : les voyages, les sports, le monde, sans chercher autour de toi une proie à dévorer. Mille fois je t’en ai supplié. Il y a d’autres femmes qu’Angèle.

— Nous verrons, nous verrons…

Bernard songeait à cet entretien avec un sourire, tandis que le train roulait sur les plaines du Lot. Quel mal commettrait-il donc en reprenant Angèle ? Quoi ? Il élevait son fils, faisait à la jeune femme une vie agréable, donnait à François, ignorant de tout et par conséquent ne souffrant de rien, les meilleurs postes ? Voyons ! Seule une colère divine déraisonnable pouvait être soulevée, au dire des curés encore. Il fit une moue de pitié. En quoi son existence n’était-elle pas régulière et bonne ? À qui causait-il du tort ? Il s’était défendu contre Mulot et Blinkine ? Cela