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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/220

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LE MAL DES ARDENTS

traiter ; il avait des propositions par ailleurs ; à dire vrai, il pensait avoir son avantage à traiter avec une autre maison. « Et puis, pour ne rien vous cacher, ajoutait-il, je n’en suis pas à un mois près ; j’aime autant voir venir ». Les deux compères étaient attérrés ; tout était donc compromis ?

Le 11 avril au matin, ils se trouvaient au siège de la compagnie de navigation. Ramon les reçut avec sa politesse coutumière, mais leur fit sentir ce que leur insistance pouvait avoir de déplacé.

— J’ai une proposition meilleure que la vôtre, qui me fait gagner deux cent mille francs ; alors pourquoi traiterais-je avec vous ?  Il fallait vous hâter quand nous étions d’accord.

Les deux associés se regardèrent ; pouvaient-ils engager leur société dans la voie d’une réduction de prix ? C’était bien difficile après cette assemblée générale ; bien difficile aussi de ne pas faire l’affaire. Mais la situation se trouvait extraordinairement changée ; les rôles se renversaient ; de sollicités ils devenaient solliciteurs. S’ils avaient pu deviner la main de Bernard dans cette étonnante aventure, ils ne se fussent point tenus de l’admirer en le maudissant ; mais ils étaient loin de se douter que le hasard n’était là qu’une figure du jeune homme. À quoi se résoudre ? Le Señor Sernola s’impatientait visiblement. Ils demandèrent à réfléchir et à revenir le voir. Mais il s’y refusa sèchement ; il serait absent. Ils se firent doucereux et humbles ; sans doute ne leur interdirait-il pas d’entrer s’ils passaient