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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/48

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LE MAL DES ARDENTS

mon bras autour de ton cou et porte-moi comme une petite fille.

Elle rayonnait d’espièglerie ; elle faisait une moue adorable. Il l’enleva en riant ; la petite tête féminine roulait sur son épaule et les bruns cheveux enfouissaient le visage. Ah ! cher fardeau, doux fardeau qu’il eût voulu emporter au bout du monde ! Ce jour là, il s’établissait dans son cœur sans qu’il craignît que ce poids, si léger pour le présent, pût l’accabler jamais.

Il la portait comme une enfant. Il la berçait en baisant ses cheveux. Il lui disait mille choses folles qu’elle écoutait, les yeux un peu dilatés, les narines palpitantes. Il croyait qu’elle achevait à présent sa conquête, mais il était depuis longtemps asservi. Il avait cessé de rire ; il la pressa si fort contre son cœur, qu’elle répondit par un gémissement. Mais comme il s’inquiétait déjà, elle se haussa jusqu’à ses lèvres.

Des jeunes gens arrivaient au détour du chemin. Mais ce baiser était si recueilli, si passionné, qu’ils passèrent sans sourire et ne se retournèrent point.

Les deux amants ne comptaient pas les jours. Qu’avaient ils à désirer ? Leur démon familier de l’exaltation frémissait d’aise. Il vivait dans son paradis. Ils avaient découvert une vieille maison qu’un sorcier famélique leur avait louée avec sa servante, chargée d’heureux présages. Tout le jour ils vagabondaient. Le soir, dans la vaste cheminée paysanne,