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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/88

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LE MAL DES ARDENTS

— Que je m’excuse, s’écria-t-il, de n’être pas venu vous rendre visite encore ! mais ce n’est guère de ma faute. J’ai dû passer près d’un mois dans le Sud-Ouest pour mes affaires et j’en suis rentré avec une terrible grippe qui m’a anéanti.

— Comme vous êtes pâle, en effet, répondit la jeune fille.

Elle le regardait adossé à son fauteuil. Les cheveux rebelles encadraient le front très beau. La pâleur du visage, la pâleur de la main l’impressionnaient, la ravissaient. Elle les trouvait adorables, peu communs. Elle sentait bien que ce n’était point la figure de l’anémie mais l’écran d’un feu dévorateur.

Ils devisèrent un moment, puis Bernard fit mine de se lever. Elle le retint. Son père allait rentrer et serait si content de le voir.

— Si content ? demanda-t-il.

— Oh ! oui, fit-elle avec chaleur.

Il sourit à peine et elle s’émut de s’être trahie. Insensiblement il l’inclinait aux confidences. Elle avoua qu’elle s’ennuyait un peu bien qu’elle suivit assidûment des cours, des conférences et des manifestations artistiques de toutes sortes. Il lui raconta sa vie telle qu’il imaginait qu’elle pût le mieux la toucher ; il lui dit qu’il vivait loin de sa mère remariée, qu’il avait toujours été seul comme un orphelin, qu’elle ne pouvait savoir ce qu’était une solitude pour un cœur comme le sien. Il avait une voix