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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/158

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LE MAL DES ARDENTS

et moi nous sommes mis à la disposition des siens n’a pu que fortifier dans ses sentiments.

— Ma foi, dit Bernard, moi je te donne mon impression : j’ai idée qu’elle ne t’aime pas, qu’elle te voit en camarade. Je ne peux rien dire de plus.

Il laissa Français fort inquiet et se dirigea vers la rue des Rosiers. Il se sentait encore plus content qu’à l’heure précédente. Il était aimé d’Angèle qui acceptait la ruine pour le suivre et ne lui en parlait même pas ; il était aimé des femmes qui pouvaient trahir leur amant pour lui ; de ses amis, de ces êtres qui le connaissaient le mieux, l’un qu’il trompait lui procurait une situation, l’autre lui donnait sa fiancée sans même s’en apercevoir. Allons, la vie ne serait pas trop difficile, on réussirait. Pas une seconde, il ne perçut d’infamie dans sa conduite. Pourtant, comme il passait devant l’église Saint-Gervais, la faible voix de ses sentiments religieux mal assassinés se fit entendre ; mais le cyclone qui avait balayé tant de choses en ces quelques jours avait, comme pour les religions disparues, sacrifié l’esprit et laissé la lettre ; il ne restait vraiment que superstition. Bernard, arrêté devant le porche, admirait en soi comment l’enchaînement de ses desseins s’accomplissait ; certainement une volonté supérieure et intelligente l’avait inspiré et exaucé ; il entra dans l’église pour remercier Dieu et se le rendre propice dans l’importante journée qui allait suivre ; le soir, par mortification, il ne voulut pas coucher avec Flavie et celle-ci, qui, la veille encore, bougon-