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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/159

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

nait quand il lui imposait sa présence, fit une crise de larmes ; tandis qu’elle pleurait à la porte, il récita sa prière et s’endormit paisiblement.

Le lendemain matin, il écrivit à Angèle une lettre pleine d’effusions et de tendresse où il lui racontait de sa journée tout ce qu’il pouvait lui en dire ; il n’osa pas aller la voir bien qu’il en brûlât d’envie ; il n’osa pas aller voir Claudie craignant que cela lui portât malheur. Il attendit le soir et, toute la journée, fut secoué d’un tremblement nerveux. La proximité de cette décision sur quoi il fondait son avenir ne lui laissait pas loisir d’imaginer cet avenir lui-même ; aucun rêve ne le pouvait visiter ; il s’hypnotisait sur ce dîner chez le père Blinkine, il se demandait comment était Mr. Mulot, il craignait de se tromper, de mal se présenter, de donner dès l’abord une fâcheuse impression. Il ne vivait plus.

Comme il avait été entendu avec Abraham, il alla chercher celui-ci ; il fut un instant seul avec Claudie et avant qu’il pût faire un geste ou articuler un mot, elle lui dit d’un air pincé : « Il n’y aura plus rien entre nous, vous entendez, ne l’oubliez pas. » Il se dit : « Elle est folle. Tant mieux, je craignais un assaut. » et il se réjouit sincèrement, puis, inexplicablement, cette avanie lui parut de mauvais augure et il s’en tourmenta jusqu’à l’arrivée chez le banquier. En chemin, Abraham lui décrivit Mr. Mulot : « C’est un véritable type de Balzac, lui dit-il, un type étonnant de financier. Il est veuf d’une femme née de Kardoulière et