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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/29

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

— Cher Monsieur Lazare, dit Noë qui desserrait avec peine les dents, nous autres, nous ne sommes que de simples ouvriers qui ont poussé assez pour en employer d’autres ; et nous travaillons avec les compagnons ; et on connaît l’ouvrage ; c’est pour dire qu’on n’est pas des gros monsieurs. Mais on a son honneur comme les gros. Et, vous comprenez, Monsieur Lazare, je ne vous dirai point si elle est morte ou si elle est vive, cette femme, parce que d’abord on ne le sait pas, vu qu’elle n’a jamais donné de ses nouvelles ni envoyé un sou pour le gosse ; et qu’on ne les lui aurait pas voulus comme de bien entendu, ses sous ; en parlant par respect, ce qu’on gagne avec le cul n’est jamais propre. Je ne sais pas d’ailleurs qu’est ce que je vais chercher là ; la vérité c’est que nous ne savons pas s’il a une mère ni même s’il en a jamais eu une. Vous comprenez ?

— Je comprends, je comprends, dit doucement le maître l’école. Voilà des choses, ajouta-t-il comme se parlant à lui-même, qu’on n’aurait pas vues du temps de l’ancienne Rome. Mais les institutions corrompent le genre humain. Qu’il y ait des femmes sages et fidèles et des hommes intègres après les turpitudes de la Royauté et des deux Empires, cela passe l’imagination. Pourtant il y en a ; c’est la majorité ; et c’est la preuve de la bonté foncière de ce genre humain. Le gouvernement du peuple nous ramènera à l’âge d’or Noë ; nous y touchons déjà ; que chacun oublie ses misères pour songer au salut de tous. Vive la République !