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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/375

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et me parlait musique et peinture avec un ton de supériorité tout à fait divertissant. Un jour il m’envoya une lettre incroyable. Il me disait, entre autres choses, que j’étais la plus honnête femme de Paris ; c’est pourquoi il voulait être mon amant. Je montrai la lettre à ma cousine Julie. Nous étions deux folles alors, et nous résolûmes de lui jouer un tour. Un soir, nous avions quelques visites, entre autres Massigny. Ma cousine me dit : « Je vais vous lire une déclaration d’amour que j’ai reçue ce matin. » Elle prend la lettre et la lit au milieu des éclats de rire… Le pauvre Massigny. »

Saint-Clair tomba à genoux en poussant un cri de joie. Il saisit la main de la comtesse, et la couvrit de baisers et de larmes. Mathilde était dans la dernière surprise, et crut d’abord qu’il se trouvait mal. Saint-Clair ne pouvait dire que ces mots : « Pardonnez-moi ! pardonnez-moi ! » Enfin il se releva. Il était radieux. Dans ce moment, il était plus heureux que le jour où Mathilde lui dit pour la première fois : Je vous aime.

— « Je suis le plus fou et le plus coupable des hommes, » s’écria-t-il ; « depuis deux jours, je te soupçonnais… et je n’ai pas cherché une explication avec toi… »

— « Tu me soupçonnais !… Et de quoi ? »

— « Oh ! je suis un misérable !… On m’a dit que tu avais aimé Massigny, et… »

— « Massigny ! » et elle se mit à rire ; puis, reprenant aussitôt son sérieux : « Auguste, » dit-elle, « pouvez-vous être assez fou pour avoir de pareils soupçons, et assez hypocrite pour me les cacher ! » Une larme roulait dans ses yeux.

— « Je t’en supplie, pardonne-moi. »

— « Comment ne te pardonnerais-je pas, cher ami ?… Mais d’abord laisse-moi te jurer… »

— « Oh ! je te crois, je te crois, ne me dis rien. »