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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/427

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La salle qui sert de foyer est ornée d’une madone peinte devant laquelle brûlent quelques bougies ; au-dessous, on voit une table avec un petit réchaud contenant des charbons allumés. En entrant, chaque torero ôte d’abord son chapeau à l’image, marmotte à la hâte un bout de prière, puis tire un cigare de sa poche, l’allume au réchaud, et fume en causant avec ses camarades et les amateurs qui viennent discuter avec eux le mérite des taureaux qu’ils vont combattre.

Cependant, dans une cour intérieure, les cavaliers qui doivent jouter à cheval se préparent au combat en essayant leurs chevaux. À cet effet, ils les lancent au galop contre un mur qu’ils choquent d’une longue perche en guise de pique ; sans quitter ce point d’appui, ils exercent leurs montures à tourner rapidement et le plus près possible du mur. Vous verrez tout à l’heure que cet exercice n’est pas inutile. Les chevaux dont on se sert sont des rosses de réforme que l’on achète à bas prix. Avant d’entrer dans l’arène, de peur que les cris de la multitude et que la vue des taureaux ne les effarouchent, on leur bande les yeux et l’on emplit leurs oreilles d’étoupes mouillées.

L’aspect du cirque est très-animé. L’arène, avant le combat, est remplie de monde, et les gradins et les loges offrent une masse confuse de têtes. Il y a deux sortes de places : du côté de l’ombre sont les plus chères et les plus commodes ; mais le côté du soleil est toujours garni d’intrépides amateurs. On voit beaucoup moins de femmes que d’hommes, et la plupart sont de la classe des manolas (grisettes). Dans les loges on remarque pourtant quelques toilettes élégantes, mais peu de jeunes femmes. Les romans français et anglais ont perverti depuis peu les Espagnoles, et leur ôtent le respect pour leurs vieilles coutumes. Je ne crois pas qu’il soit défendu aux ecclésiastiques d’assister à ces spectacles ; cependant je n’en ai jamais vu qu’un seul