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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/118

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qui a dominé de sa voix la voix des tambours, le 21 janvier, seul ferme et tranquille, lorsque tout le monde, sur la place Louis XV, tremblait de froid et de peur ! Oui, ce roi était faible, l’histoire n’en démordra pas. Il n’était pas faible : il était seul !

» Quatorze ans plus tard, un jeune homme, le seul qui eût compris Louis XVI, regarda les Indes et écouta le cri de détresse de Typpoo-Saib.

» Ce jeune homme était le même qui, officier à vingt-deux ans, assistait, dans le jardin des Tuileries, aux terribles scènes du 20 juin, et s’écriait, la main sur son épée : Donnez-moi douze cents hommes, et je délivre ce malheureux roi ! Il se nommait Bonaparte.

» En le voyant partir pour l’Égypte avec une armée, on ne se doutait pas qu’il marchait vers l’Inde, au secours de Typpoo-Saïb. Le souffle de Louis IX et de Louis XVI poussait Bonaparte en Orient, en lui annonçant une nouvelle terre promise. Ce héros avait l’âge d’Alexandre, lorsque lui partit aussi pour conquérir l’Inde. L’Égypte, ce vestibule de l’Inde, tressaillit encore sous les pieds de la France, et reconnut aux Pyramides les soldats de Mansourah et de Damiette, les fils des croisés de Louis IX. Mais Bonaparte ne venait pas pour prendre Alexandrie et battre Mourab-bey ; l’étoile des mages l’appelait en Syrie : il traversa le désert, prit Jaffa, et vint forcer la porte de l’Inde, nommée Ptolëmaïs. En le voyant sur le chemin du golfe d’Ormus, l’Angleterre s’émut ; son commodore Sidney-Smith arriva dans les eaux de Saint-Jean-d’Acre avec ses vaisseaux, Tiger et Thesæus. Ce fut un moment sublime. Les peuples de l’Inde, les héroïques cor-