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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/134

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ses, ne ramènent à l’œil investigateur que des flocons de brouillard. La plus belle nuit du milieu de l’été, midsummer, la nuit de Titania et d’Oberon, la nuit des constellations radieuses, a pu se révéler peut-être à Shakespeare sur la montagne qui domine l’Oxfordshire ; mais elle n’illuminera jamais le ciel de Londres, ciel plat qui ajoute à sa croûte naturelle de brume le brouillard industriel du charbon et de la vapeur. On dit pourtant que l’observatoire de Greenwich a découvert quelques planètes microscopiques : tout est possible au génie anglais ; mais je crois que ces planètes ont été découvertes par quelque astronome modeste de Malte ou de Corfou, qui en a fait les honneurs, par patriotisme, à la métropole. Il serait d’ailleurs à souhaiter que Greenwich pût y voir clair une belle nuit, car je me méfie beaucoup du zèle des savants endormis au cap de Bonne-Espérance ; ils sont trop éloignés du contrôle de Londres, et le vin de Constance est trop près de leur observatoire colonial. Avec ses merveilleux instruments et des nuits propices, Greenwich ferait avancer la science astronomique d’un pas décisif. Dieu a écrit ce livre céleste en lettres d’or pour être lu, et non pour être arpenté avec des chiffres. Nous voilà bien avancés quand on nous apprend la découverte d’une planète nouvelle, ou bien même lorsqu’un astronome, commissaire-priseur, nous fait avec des chiffres l’inventaire des richesses de l’infini ! Notre imagination découvrira toujours bien plus de planètes et d’invisibles voies lactées, que les télescopes n’en verront à la première surface de l’horizon supérieur. À coup sûr, il y a là-haut un secret, un secret accessible à la science acharnée, un secret planétaire qui fera tressaillir de joie notre