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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/135

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terre le jour où une lentille miraculeusement réussie le surprendra dans un coin du ciel.

En quarante ans de paix, si la France, l’Allemagne, la Russie et l’Angleterre eussent employé à créer des observatoires et à payer des télescopes les millions qu’elles ont consacrés à fondre des canons inutiles, nous saurions aujourd’hui ce que nos derniers neveux sauront de l’histoire du ciel, la seule histoire digne d’intérêt. En attendant, on s’amuse avec des frivolités astronomiques ; il nous faut des planètes pour hochets ; l’autre nuit, dit-on, M. Hink en a découvert une toute petite ; les savants de Londres lui ont cherché un nom de baptême ; après beaucoup de tâtonnements, on l’a nommée Thalie. Son parrain a été certes bien ingénieur. On nommera la suivante Melpomène, sans doute. Voilà des œuvres de Dieu traitées par des chrétiens comme des filles de Jupiter, en 1851. L’astronome Denis l’Aréopagite n’aurait pas mieux fait, lui qui florissait sous Tibère et qui ne connaissait pas le verset du Psalmiste Cæli ennarant gloriam Dei. Lord Ellenborough, ce grand homme, a été destitué injustement comme païen, en 1845, par les méthodistes de la compagnie des Indes ; l’astronome, pensionnaire de la reine, qui vient de nommer une planète Thalie, mérite au moins la même punition.

Nous employâmes trois heures de la nuit à examiner les télescopes de l’observatoire de Greenwich. Par intervalle nous regardions la place où est le ciel pour y surprendre une pointe d’étoile. Rien ne scintilla dans la brume. Le directeur continuait d’avoir raison, quoique absent.