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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/171

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de Saint-Valentin. Si le vent du Ben-Lomon me volait ce dernier manteau, je le suivrais dans les abîmes du lac, et je ne reparaîtrais plus à la surface des ondes, même pour voir ma fiancée, ma belle Katrina.

— Écoutez-moi, Killy, — dit la jeune fille en regardant les premières lueurs de l’aube, comme on regarde une horloge, pour s’assurer si on a le temps de prolonger un dangereux entretien ; — écoutez-moi… Nous, les filles rêveuses de Cold-Stream, nous avons des secrets que nos mères nous ont appris, et que nous ne révélons qu’à nos maris, parce que le mariage ne fait qu’un être de deux êtres, et qu’il n’est pas permis à l’homme d’ignorer ce que sait sa femme. Cependant, je veux devancer l’heure des confidences, du moins par un seul secret, car puisque nous sommes fiancés, nous sommes époux.

— Nous sommes époux, dit Killy comme un écho attendri.

— Il y a dans les pierres, comme dans les fleurs, poursuivit Katrina, il y a des vertus mystérieuses que le hasard ou l’inspiration fait découvrir : l’aimant attire le fer, l’ambre attire la paille, nous le savons tous ; l’effet existe, la cause est ignorée ; elle le sera toujours : jamais l’esprit ne comprendra les relations occultes qui lient deux choses inertes et mortes, et toujours l’homme surprendra par hasard quelques nouvelles relations du même genre, et ajoutera ainsi une nouvelle énigme aux mystères qui l’entourent et confondent son esprit… Avez-vous quelquefois remarqué, mon cher Killy, cette pierre qui agrafe le tissu de laine sur mon sein ?

— Je la regardais encore, à présent, dit Killy.