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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/173

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L’air n’exhalait pas le moindre souffle ; le lac était uni comme un miroir ; toutes les voix d’Arthur-Hill restaient dans leurs grottes brumeuses ; Killy remarqua sagement que ce silence de la nature ne pouvait être attribué à la vertu de la topaze ; il n’y a pas de tempêtes continuelles, et le ciel le plus orageux se repose quelquefois, comme un orchestre épuisé par ses explosions. Killy regrettait même les puissantes rafales des autres nuits ; il aurait été si heureux d’essayer l’influence du précieux bijou, et de se montrer à sa fiancée, avec un manteau, enfin respecté par les démons aériens du lac !

Une brise de terre souffla de Cold-Stream, et repoussa la barque, après le coup de minuit ; les rames la faisaient avancer avec des mouvements imperceptibles.

Killy se désespérait.

— Au moins, se disait-il, les colères d’Arthur-Hill qui m’enlevaient mes manteaux, me lançaient comme une flèche vers le rivage adoré de Cold-Stream, et ce calme semble clouer ma barque sur chaque ride du lac ! Fantômes des grottes de Fingal, réveillez-vous ! Unissez vos souffles, et emportez-moi dans vos tourbillons vers les bruyères de Katrina !

Les fantômes de la grotte de Fingal ne se réveillèrent pas.

Une traînée d’opale blanchit les brumes de l’orient, et Killy avait encore devant lui une immense étendue de lac à traverser. Le feu de broussailles pâlissait à l’horizon, comme une lampe aux premiers rayons du jour. Katrina, sans doute, avait regagné la maison de son père, emportant dans son cœur un mystère et un désespoir.