Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le soleil, quoique invisible, était levé depuis deux heures, quand le jeune Killy aborda au rivage. Aucune voix ne lui répondit ; un cercle de cendres tièdes attestait seulement la vigilance assidue de Katrina, et un long tourment d’attente, souffert sans témoins.

Killy ne demanda aucun conseil à la prudence vulgaire ; il amarra sa barque à des racines de bruyères, et s’achemina rapidement vers la maison d’Augustus Hartwood, le farouche père de Katrina.

Le jeune Killy était vraiment merveilleux à voir dans son costume d’aïeul ; le vénérable manteau qu’il portait lui donnait un caractère de physionomie féodale, tout à fait perdu aujourd’hui, et qu’on ne retrouve plus que sur les tableaux des vieux manoirs.

Au moment où Killy entrait dans une allée d’ifs qui aboutissait au perron d’Augustus Hartwood, le père de Katrina partait pour la chasse, et ils se rencontrèrent si brusquement que celui des deux qui voulait éviter l’autre resta immobile sur ses pieds. Augustus Hartwood regarda Killy avec une attention singulière, et fut frappé du costume de ce jeune homme, et de la grâce montagnarde avec laquelle il était porté. Puis, reconnaissant le fils d’une race ennemie, il mit la main sur le pommeau d’une arme de chasse, pour se défendre dans une attaque imprévue.

Killy croisa les bras sur sa poitrine et prit une pause simple et digne, qui ne laissait voir ni bravade, ni peur.

Si je venais ici pour vous tuer ou me battre avec vous, dit le jeune homme, je tiendrais une arme dans ma main, ou je la porterais à ma ceinture. Mais vous, Augustus Hart-