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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/178

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gardez-vous bien de visiter ces pays qui n’ont jamais reçu un sourire du ciel.

— Sage brahmane, dit le prince, un jour j’ai visité la province indienne où s’élève Jellalabad ; la neige tombait sur le pauvre, qui mourait de faim, et emprisonnait le riche, qui mourait d’ennui. On m’apprit que cette saison se nommait l’hiver, et qu’elle durait cent jours et plus quelquefois. Comment se fait-il, dis-je à ces malheureux, que vous consentiez à vivre le tiers de votre vie au milieu des angoisses du froid, lorsque l’Asie a de la place au soleil pour tous les enfants de Dieu ?

Les malheureux me répondirent ceci :

— Nous sommes nés à Jellalabad, et nous y restons, parce que la patrie natale nous est chère.

— Oui, leur répondis-je, la patrie natale est chère, lorsqu’elle est belle, mais lorsqu’elle est atroce comme la vôtre, je ne comprends pas pourquoi vous l’aimez.

Alors, ils soulevèrent la tête et ne dirent rien de plus.

Ils avaient tout dit.

Ce fut la seule réflexion que voulut bien communiquer le brahmane à Zeb-Sing, après le récit de la topaze, Il parait que le sage Indien n’avait été frappé que de la peinture du climat de l’Écosse, et que tout le reste lui paraissait indifférent.