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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/180

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ceau, et qui me rappelaient nos asparas et nos bayadères ; leurs longues tresses de cheveux flottants avaient seules la prétention de voiler la nudité de leurs épaules et de leurs seins.

» Les hommes, assis tumultueusement et penchés sur une arène, ne semblaient pas se préoccuper beaucoup de ces femmes ; ils attendaient un spectacle sans doute promis depuis longtemps, car leur impatience éclatait dans leurs gestes, leurs mouvements, leurs regards.

» Il y avait au bout de l’arène une grille de fer sur laquelle tous les yeux se fixaient : une main courageuse l’ouvrit, et je vis sortir un de ces lions superbes, comme le Mysore en nourrit dans ses bois.

» Toutes les mains se sont agitées pour saluer cet animal qui tient un rang si honorable dans la création des êtres. Lui n’a pas eu l’air de trop s’émouvoir d’un accueil si flatteur ; il a gardé sa dignité royale ; il a secoué brusquement son énorme tête, trop longtemps comprimée sous la voûte plate d’une prison ; il a fièrement appuyé ses quatre griffes sur le sable, et s’est promené majestueusement dans l’arène, en donnant, de bas en haut, des regards d’un mépris tranquille aux spectateurs qui l’applaudissaient. Je n’ai jamais vu un plus beau lion, même dans les jardins du roi mon père, qui aime passionnément toutes les races fauves, ce qui annonce dans un homme, et dans un roi même, beaucoup de philosophie et d’esprit.

» Mettez un homme, me disais-je, à la place de ce lion, dans cette arène un homme seul, nu, faible, prisonnier ; jamais on n’aura vu un homme plus embarrassé que lui. Il excitera