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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/181

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la pitié de tous ; on le forcera subitement à rentrer dans sa prison, pour ne pas humilier son espèce par un plus long étalage de sa gaucherie et de sa stupidité. Un lion, c’est bien différent. Seul, au milieu de cent mille hommes, il les a tous humiliés de ses dédains placides, de son insouciance superbe. Il s’est arrêté au milieu de l’arène, comme s’il eût trouvé, à l’aide d’un compas, le centre du cercle immense ; il a mollement allongé ses pattes antérieures, replié les autres en raccourci, et pris la pose du grand Sing mystérieux qui garde la porte du temple de Désavantar.

» Ainsi posé, il a promené circulairement ses regards de la base au sommet du théâtre, et comme s’il n’eût rien découvert d’assez digne de son attention, il a caressé de la griffe droite sa barbe blanche par un caprice de coquetterie ; il a fait onduler sa queue sur le sable, et fermant les yeux, il s’est endormi.

» La scène a changé par une de ces fantaisies merveilleuses du diamant Beabib.

» L’immense théâtre s’est rétréci à vue d’œil et a pris les proportions et la forme d’un cachot.

» Là, j’ai vu une jeune fille, vêtue d’un large sari de laine blanche, mais dont l’arrangement est conforme aux lois de la pudeur. Sa figure avait un caractère de noblesse inconnu dans nos cités folles ; elle m’a rappelé la beauté céleste que nos sculpteurs ont donnée à la chaste Sita qui est assise à la droite d’Indra sous le manguier d’or du firmament bleu.

» Un rayon a pénétré dans le cachot, la porte s’ouvrit ; j’ai vu un vieillard à peu près vêtu comme un bonze ; il s’est