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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/185

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le sable recouvrait : alors, il a songé à se diminuer, et à se rendre invisible en se raccourcissant à force de tiraillements opérés du poitrail à l’extrémité de la queue. Ce procédé ne lui ayant pas réussi, il a pris un air modeste, un maintien humble, comme pour se faire pardonner son origine par de sincères apparences de repentir ; c’était un animal bonhomme qui témoignait un grand regret de ce que la nature, l’avait fait tigre, et promettant bien, par sa nouvelle physionomie, et ses allures innocentes, de consacrer sa vie à un autre état, et de vieillir dans la haine de ses anciens confrères, zébrés de jaune, et le saint respect des lions.

» Toutes ces ruses ont échoué, le royal ennemi s’est levé sur ses quatre pattes, en rejetant bien loin, avec ses griffes de derrière, des flots de sable dans la direction du tigre ; exercices et pantomimes très-évidents qui signifient que toute proposition pacifique n’est pas écoutée, et qu’il faut se préparer au combat.

» La jeune fille s’est agenouillée sur le sable, et joignant ses mains, elle a prié son Dieu, qui, sans doute, est le même Dieu de tous les pays.

» Alors on s’est servi dans cet amphithéâtre, comme dans nos combats indiens, de longues perches de fer rougi, à l’aide desquelles on a excité le tigre en le chassant bien loin de la grille, où la peur l’avait cloué en entrant. Le tigre a fait, malgré lui, un bond prodigieux, que le lion a regardé comme un prélude d’attaque. Cette fois ce n’est plus une note sourde qui a ébranlé là poitrine du lion, mais un rugissement qui s’est prolongé comme une série d’éclats de tonnerre, et qui a été applaudi par deux cent mille mains, comme un pantoun