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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/187

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noncer qu’il n’y avait plus de périls pour elle, et qu’il se constituait son défenseur. Puis le noble animal s’est posé en sphynx, et promenant sa griffe droite sous ses lèvres pour la mouiller, il a réparé minutieusement le désordre de sa crinière, comme aurait fait le plus habile des coiffeurs.

» La jeune fille a interrompu un instant sa prière pour donner quelques caresses de reconnaissance à son intrépide libérateur.

» La joie a rayonné dans les yeux du lion ; on eût dit qu’il s’estimait heureux d’avoir obligé une créature humaine qui ne payait pas un bienfait par l’ingratitude.

» Par un de ces revirements subits, si communs dans les mœurs de tous les peuples, des cris de pitié se sont fait entendre sur tous les gradins de l’amphithéâtre ; des larmes coulaient sur tous les visages, des fleurs et des couronnes de myrte pleuvaient sur la jeune fille ; cent mille voix, qui demandaient sa mort, demandaient sa vie ; des milliers de mains lui montraient la porte qui allait s’ouvrir à la délivrance.

» La belle martyre a remercié modestement, d’abord le ciel, puis les hommes, et sans montrer un empressement qui eût témoigné trop d’affection pour une vie dont le sacrifice avait été fait, elle a marché vers la porte, toujours escortée par le lion et ayant caressé de la main une dernière fois son superbe ami, elle s’est inclinée sous la voûte sombre où passent les martyrs morts, et vivante, elle a disparu.

— Ceci, dit le sage brahmane Kosrou, est une vision des temps passés ; c’est une histoire que les rayons du soleil